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Alain Julien RUDEFOUCAULD - Ecrivain

POÈME — OMAYRA

 

Aujourd’hui, souvenez-vous d’Omayra

Demain souvenez-vous d’Omayra.

Enlisée, jambes prises dans le béton,

Omayra l’enfant de 12 ans

Qui a chanté avec ses sauveteurs meurt lentement.

L’enfant qui chante avec ses sauveteurs

Ne peut plus chanter

L’enfant de 12 ans aux quatre-vingts heures

De peur et d’angoisse

Meurt doucement sans se plaindre

Elle voit le jour passer

Elle voit la nuit tomber

Trois fois ses yeux noirs

Éclairent de leur pureté noire

Les lumières aveuglantes des projecteurs

Les ombres des sauveteurs

Qui lentourent

Elle meurt lentement

Elle ne peut plus lever les bras

Ses lèvres sont appuyées au tronc

Qui soutient le menton

Jairo est dans l’eau

Il l’enlace pour la réchauffer

Jairo le jeune homme a découvert

La jeune fille

Après le déferlement de boue

Qui de sa force a tout recouvert

Sur Amaro la mort est tombée

Indifférente appliquée

Cadeau venu du volcan Nevado del Ruiz

Les neiges éternelles ont fondu

Les neiges à 5400 m ne sont plus

Amero la ville à disparu

Et quand Jairo, voit l'enfant

Jairo de Mariquita

Mariquita Colombie

L’enfant le voit

La petite fille le voit lui qui vient

Elle attend dans l’eau froide et la boue

Les jambes prises dans le béton et la boue

Alors quand elle le voit, la fillette lève la tête

Elle attend depuis 20 heures

La boue au ras de la bouche

Les grains de café au ras des lèvres

— Peux-tu attraper le bâton ?

Non, dit la fillette, je ne peux pas

Arrive une autre coulée de boue

Et tous senfuient, tous sauf Jairo

Qui sera contre elle debout

Trois nuits et trois jours

L’enfant devient une fillette

La fillette une jeune fille

Les autres reviennent et plongent

Moto pompe, aspiration

Tout est vain

Non pas perdu d’avance

Mais vain

Et dans l’horrible si simple, si efficace

La jeune fille devient femme

Et meurt un samedi matin

Il est 9 h 00

Rien n’a pu la sauver

Ni massage, ni respiration

Les autres humains ne peuvent rien

La petite-fille devenue femme

En 20 heures d’attente

Et 60 heures de combat

Meurt

N’oubliez pas Omayra,

Omayra Sanchez de Colombie

Aimée trois jours par Jairo Higueria de Colombie

Aimée par les autres

Morte sans sa mère

N’oubliez pas sa lumière noire

Ni aujourd’hui, ni demain

Jamais.

AJR

 

VIVRE –
Tu fracasses le silence et respires à la lumière
Tu rampes, et dresses le regard vers ceux qui sont là
tout autour.
Et tu crois en eux
Comme la branche se nourrit de l’arbre
Comme la branche se nourrit de l’arbre
Et tu te replies devant ceux qui sont là
Tu les oublies pour grandir
Eux se rappellent à toi, au sortir de leur vanité
Alors tu les appelles
Alors tu les regardes
Alors tu te réfugies comme tu peux dans leurs bras et leurs mots
Comme la branche se nourrit de l’arbre
Comme la branche se nourrit de l’arbre
Tu vas seul, sans aide,
Même si tu marches seul, tu vas vers eux
Pas d’autre alternative, d’autre voie que celle obligée
De ceux-là qui t’entourent
Comme la branche se nourrit de l’arbre
Comme la branche se nourrit de l’arbre
Et s’ils te battent tu pleures
et tu restes
Et s’ils te cajolent, tu pleures
et tu restes
Puis vient le rêve
Comme tu les imagines,ils ne sont jamais là
Alors plus tard, pas trop, mais plus tard
Comme la branche se nourrit de l’arbre
Comme la branche se nourrit de l’arbre
Tu guettes les images, les détails sans le savoir
sans même les reconnaitre
pour ne pas les connaitre
Et tes images écrasent ta vision,
Comme elles écrasent ce que tu éprouves
Alors tu restes comme la branche au tronc
comme le tronc dans la terre de la colline
la colline de ta région, celle où tu vis
et qui n’est pas la tienne
qui n’est à personne
Comme la branche se nourrit de l’arbre
Comme la branche se nourrit de l’arbre
Et puis un jour, lassé de tes images
tu t’arrêtes à l’une d’elles
pour un jour, un mois, un an, la vie peut-être
À chaque fois l’autre, en face à côté
surgit là où tu ne l’attends pas
Mais c’est bien là qu’il est, l’autre,
lui aussi comme toi en quête d’images
Comme la branche se nourrit de l’arbre
Comme la branche se nourrit de l’arbre
Et ta branche tremble
Tu veux partir, quitter la colline
Tu cherches, tu reprends la quête à ton insu
Et de loin en loin tu faiblis
Tu finis par ne plus comprendre
que tu n’es pas même une branche
qui se nourrit de l’arbre
Comme la branche se nourrit de l’arbre
Alors que tu es l’arbre, la forêt, la colline
Cela, que tu n’as jamais compris et jamais vu
Alors au seuil de l’outre-temps,
parfois enfin, tu sais, tu comprends, mais parfois non
Comme la branche se nourrit de l’arbre
Comme la branche se nourrit de l’arbre
Et cela sans même avoir saisi une seule fois
combien seule la vie, le seul battement de la vie est vrai
combien l’image n’est pas.
Cela tu n’as pas oublié, car tu ne l’as jamais su
Tu n’as jamais su l’arbre, l’écorce et l’aubier
Et c’est pourtant au sein de ces abattis que tu dormiras dans l’outre-temps
sans même le savoir aussi
Comme la branche se nourrit de l’arbre
Comme la branche se nourrit de l’arbre
AJR

Published by Alain Julien RUDEFOUCAULD

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